Details
PIERRE SOULAGES (Né en 1919)
Peinture 64.5 x 91 cm., 12 janvier 1962
signé, daté et inscrit ‘SOULAGES "Peinture 64.5 x 91 cm" 12 janvier 1962’ (au dos)
huile sur toile
64.5 x 91 cm.
Peint le 12 janvier 1962

signed, dated and inscribed ‘SOULAGES "Peinture 64.5 x 91 cm" 12 janvier 1962’ (on the reverse)
oil on canvas
2538 x 3578 in.
Painted on 12 January 1962
Provenance
Collection de l'artiste.
Literature
P. Encrevé, Soulages L’œuvre Complet, Peintures, 1959-1978, Paris, 1995, vol. II, p. 109, no. 485 (illustré en couleurs).
Special notice
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Lot Essay

Cette œuvre a généreusement été offerte par Pierre Soulages.

Pierre Soulages, « peintre de l’outrenoir », est une figure majeure de la peinture non figurative, reconnue comme telle depuis ses débuts, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Né le 24 décembre 1919 à Rodez (Aveyron), Pierre Soulages, qui continue de peindre aujourd’hui à un rythme soutenu, a fêté son centième anniversaire. À cette occasion, le musée du Louvre lui a consacré une exposition exceptionnelle dans le Salon Carré, situé entre la Galerie d’Apollon et la Grande Galerie et qui abritait jadis le Salon des Académies.

"Soulages voué au noir, certes, que ne l'a-t-on répété, tant a surpris ce retour révolutionnaire à une couleur qu'on avait rarement su faire chanter aussi magnifiquement depuis la grande période de l'école hollandaise. Mais quel noir ? Il en a cent. Mat, luisant, onctueux, lisse ou rugueux, froid ou chaleureux, il emprunte aussi bien à l'écorce de l'arbre qu'à la suie, au goudron, à la tourbe qu'à l'humus, au bois calciné des vieilles poutres."
E. Stein, ‘Le chant profond de Soulages’, in Tribune socialiste, 11 mai 1967, cité in P. Encrevé, Soulages, l'œuvre complet, Peintures, 1959-1978, Paris, 1995, vol. II, p. 124.

Don exceptionnel de Pierre Soulages au profit du musée du Louvre, Peinture 64.5 x 91 cm., 12 janvier 1962 est emblématique du travail de la couleur et de la matière entamé par l’artiste à l’orée des années 1960.
Limitée jusqu’alors essentiellement au noir et blanc, la palette du peintre s’ouvre à la fin des années 1950 aux couleurs primaires ; cette gamme chromatique élargie permet en effet à l’artiste de se lancer dans un dialogue nouveau : celui du noir et de la couleur. Ce n’est toutefois que pour mieux travailler la force lumineuse du noir et sa capacité à rejaillir sur les autres teintes : « [Le noir] est resté la base de ma palette. Il est l’absence de couleur la plus intense, la plus violente, qui confère une présence intense et violente aux couleurs, même au blanc : comme un arbre rend bleu le ciel » (l’artiste cité in P. Schneider, 'Au Louvre avec Soulages', in Preuves, No. 143, janvier 1963, p. 46-52).

Peint en janvier 1962, le présent tableaus’inscrit en effet à l’apogée d’une période caractérisée par la technique du raclage, par laquelle l’artiste retire la matière noire encore humide à coups de spatule artisanale, révélant de vifs éclats et halos de lumière. Imposant ainsi une tension asymétrique à son œuvre, ses explorations donnent lieu à un contraste saisissant entre les empâtements noirs ténébreux et le fond ocre doré qui surgit par endroits sur la toile. Au-delà de la relation dynamique entre l’ocre et le noir, les couleurs sous-jacentes réapparaissent transfigurées par ces larges étendues noires d'une matière que l’artiste parvient à rendre tantôt opaque, tantôt translucide, jouant non pas sur l'éclat mais sur la densité, et conférant ainsi à la composition toute sa profondeur.
« Les années 1957-1963, écrit Pierre Encrevé, vont particulièrement illustrer une des techniques caractéristiques de Soulages dans le double traitement de la surface : celle du raclage, ou, si l’on préfère, de la transparence par découvrement. Sur la toile préparée (apprêt blanc), il dispose une couche de peinture couvrant une partie ou la totalité de la toile, à laquelle il superpose, dans le frais, une ou plusieurs couches de couleurs différentes. Avec des spatules à lame souple chargées le plus souvent de pâte noire, il découvre alors une partie du fond : selon la puissance et la forme du mouvement, le raclage retirera la peinture jusqu’à la toile, ou seulement jusqu’à une des couches intermédiaires. Se produit un mélange subtil, et chaque fois surprenant pour le peintre lui-même, des couleurs des différentes couches ; se découvrent alors sur la toile des variations infinies de couleurs, des luminosités nouvelles, et des intensités colorées inattendues à travers des transparences noires … Même si le blanc apparaît encore souvent en fond de toile, le rouge, le bleu, l’ocre jaune semblent les couleurs d’élection de Soulages pour voisiner désormais avec le noir, sur de larges surfaces, dans le même temps où il les utilise pour créer ces mélanges, ces disparitions-réapparitions sous le voile du noir raclé par la lame où la couleur « transfigurée » acquiert une présence d’une intensité émotionnelle très particulière » (P. Encrevé, ‘Le noir et l’outrenoir’, in Soulages: Noir Lumière, cat. exp., Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, Paris, 1996, p. 30).

De l’éclat opaque, finement granuleux du noir à l’ocre du fond, qui n’est pas sans rappeler la tonalité de certaines fresques rupestres, Soulages exploite le plein potentiel des propriétés purement physiques de la peinture à l’huile, célébrant ce qu’il appelle ses qualités physionomiques. L’artiste déclare d’ailleurs : « Je me suis toujours insurgé contre cette conception sottement évolutionniste de l'art, qui fait croire qu'il y a d'abord des tâtonnements maladroits, puis que la technique devient de plus en plus habile et maîtrisée, et qu'on arrive enfin à l'apothéose d'un art parfaitement imitatif. Il faut le dire et le répéter : il n'y a pas de progrès en art, seulement des techniques qui se perfectionnent et qui peuvent vous conduire là où vous ne voulez pas aller. Les peintres de Lascaux ou de Chauvet ont d'emblée porté l'art à un sommet » (P. Soulages, cité in F. Jaunin, Pierre Soulages: Outrenoir: Entretiens avec Françoise Jaunin, Lausanne, 2014, p. 45-46).
En exploitant déjà la myriade d’interactions de la matière avec la lumière, Peinture 64.5 x 91 cm., 12 janvier 1962 apparaît enfin commeun prélude à l’énergie vibrante et fracassante de ses toiles entièrement noires, les Outrenoirsque Soulages initiera en 1979. Conservée à l’abri des regards depuis plus d’un demi-siècle, la présente œuvre est restée dans la collection personnelle de Pierre Soulages jusqu’à aujourd’hui, où elle est révélée au public pour la première fois.

Alors que seuls Chagall et Picasso ont bénéficié avant lui de telles rétrospectives au musée du Louvre à l’occasion de leurs 90 ans, la générosité exceptionnelle de Soulages revêt une signification toute particulière puisque l'artiste a été mis à l'honneur en 2019 dans une exposition qui lui était consacrée au Louvre pour célébrer son centenaire.


This work was generously donated by Pierre Soulages.

Pierre Soulages, the “outrenoir painter”, is a major artist in non-figurative painting and has been viewed as such since his beginnings in the aftermath of World War II. Born on 24 December 1919 in Rodez (Aveyron), Pierre Soulages, who is still painting at a brisk pace, recently celebrated his 100th birthday. To mark the occasion, the musée du Louvre devoted a special exhibition to the painter in the Salon Carré, the former Salon des Académies located between the Galerie d'Apollon and the Grande Galerie.

"Soulages, devoted to black, certainly--has it not been said again and again? A surprise, this revolutionary return to a colour rarely as magnificently extolled since the Golden Age of the Dutch school. But which black? He has a hundred of them. Matte, glossy, velvety, smooth or rough, warm or cold, it lends itself as well to the bark of the tree as to soot, to pitch, to peat as to soil, to the charred timber of old beams."
E. Stein, “Le chant profond de Soulages’”, in the Tribune Socialiste, 11 May 1967, as quoted in P. Encrevé, Soulages, l'œuvre complet, Peintures, 1959-1978, Paris, 1995, vol. II, p. 124.

An exceptional donation from Pierre Soulages to the musée du Louvre, Peinture, 64.5 x 91 cm., 12 janvier 1962 is emblematic of the working of colour and material initiated by the artist in the early 1960s.
Limited until then mainly to black and white, the painter’s palette had expanded by the end of the 1950s to the primary colours; this broader chromatic scale made it possible for the artist to begin a new dialogue: one between black and colour. However, it was only in order to better work with the luminous power of black and its ability to shimmer over the other shades: “[Black] remained the base of my palette. It is the most intense absence of colour, the most violent, that confers an intense and violent presence to the colours—even to white—as a tree makes the sky blue” (the artist as quoted in P. Schneider, 'Au Louvre avec Soulages', in Preuves, No. 143, January 1963, p. 46-52).

Painted in January 1962, this work falls squarely at the culmination of the period defined by the scraping technique, by which the artist withdraws the still-wet matter with strokes of a traditional spatula, revealing vivid bursts and halos of light. Thus imposing a tension of asymmetry on his work, his explorations give rise to a striking contrast between the tenebrous black impastos and the gilded ochre foundation that appears in some sections on the canvas. Beyond the dynamic relationship between ochre and black, the underlying colours re-emerge transfigured by these large black expanses of a material that the artist manages to make sometimes opaque, sometimes translucid, playing not on radiance but on density, and thereby imparting to the composition all its depth.

“The years 1957-1963”, writes Pierre Encrevé, “will particularly illustrate one of the defining techniques of Soulages in the double treatment of the surface: that of scraping, or, if one prefers, of transparency by uncovering. On the prepared canvas (white primer), he layers paint covering a part or all of the canvas, on which he freshly superimposes one or several layers of varying colours. With flexible-blade spatulas most often loaded with black paste, he then uncovers a portion of the background: depending on the strength and form of the movement, the scraping will remove the paint down to the canvas, or only down to the middle layers. This results in a subtle blending—each time surprising to the painter himself—of colours from the various layers, revealing on the canvas infinite variations of the colours, of emerging luminosities, and unexpected colourful intensities through the black transparency… Even if the white appeared more often in the background of the canvas, the red, blue, and yellow ochre appear the colours of choice for Soulages, to lie from this point forward side by side with the black, across large surfaces, at the same time as he uses them to create these blends, these disappearances-reappearances under the veil of black scraped by the blade where the ‘transfigured’ colour acquires a presence of a very particular emotional intensity” (P. Encrevé, 'Le noir et l’outrenoir', in Soulages : Noir Lumière, exh. cat., Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, Paris, 1996, p. 30).

From the opaque brilliance, finely grained with black on the ochre of the ground, without forgetting the hue of certain Rupestrian frescoes, Soulages harnesses the full potential of the purely physical properties of oil paint, celebrating what he refers to as its physiognomic qualities. The artist moreover declares: “I have always railed against this absurdly evolutionary concept of art, which would have us believe that first came blundering trial and error, then technique that became ever more skilful and mastered, finally arriving at the apotheosis of a perfectly imitative art. It must be said and repeated: there is no progress in art, only in techniques that are perfected and that can lead you to where you don’t want to go. The painters of Lascaux or Chauvet carried art to a summit from the outset,” (P. Soulages, quoted in F. Jaunin, Pierre Soulages: Outrenoir: Entretiens avec Françoise Jaunin, Lausanne, 2014, p. 45-46).

By already harnessing the myriad of interactions of material with light, Peinture 64.5 x 91 cm., 12 janvier 1962 appeared eventually as a prelude to the vibrant, thunderous energy of his entirely black canvases, the “Outrenoirs” series that Soulages would begin in 1979. Tucked away for more than half a century, this painting has remained in the personal collection of Pierre Soulages until now, being revealed to the public for the first time.

Whilst only Chagall and Picasso before him were granted such retrospectives at the Louvre on the occasion of their 90th birthdays, the exceptional generosity of Soulages is especially significant as the artist was honoured in 2019 with an exhibition devoted to him at the Louvre to celebrate his centenary.


Post Lot Text

Légendes et crédits pour les photographies:
Vue de l’exposition “Soulages au Louvre”, musée du Louvre, Paris, 2019.
©Soulages / ADAGP, Paris, 2020/ Photo: Vincent Cunillere

Pierre Soulages dans le Salon Carré lors de son exposition, 2019.
©Soulages / ADAGP, Paris, 2020/ Photo: Vincent Cunillere

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