Avec sa petite taille, son fond coloré – le bleu épais visible semble recouvrir une teinte plus verdâtre et translucide – s’assombrissant vers les bords, sa présentation en petit buste, ce portrait s’inscrit très naturellement dans la production de l’atelier de Corneille de La Haye plus connu aujourd’hui comme Corneille de Lyon, du nom de la ville où le maître hollandais il s’est installé au début des années 1530. On y retrouve certaines caractéristiques de ses œuvres – et, plus spécialement, celles datant du règne de François Ier –, tels la tête un peu grande par rapport au buste, le contour irrégulier de l’œil, les ombres traitées par traits juxtaposés, les sourcils « en désordre », les cils de la paupière inférieure tracés un par un, la touche fondue dans le vêtement. Le rapprochement avec deux portraits féminins de Corneille conservés au Museum of Fine Arts de Houston (inv. 44.540, 16,7 x 13,7 cm et 44.538, 17,8 x 14,4 cm), apparaît comme particulièrement convaincant. Toutefois, une certaine sècheresse et lourdeur de l’ensemble et le traitement imprécis des mains, même si l’état du panneau et les restaurations anciennes pourrait les expliquer, incitent à la prudence.
La peinture figure une dame d’un certain âge en habit de deuil. Elle porte, sur sa robe noire aux manches à revers d’hermine ou de renard blanc, une gorgerette de velours noir qui recouvre le décolleté. Sa tête est couverte d’un attifet de velours noir doublé de mousseline blanche avec un voile du même velours. Portée par les veuves même remariées, cette coiffe était parfois, comme ici, associée à un bonnet qui dissimulait complètement la chevelure. C’est l’attifet, l’absence de toute couleur autre que le noir et le blanc, ainsi que de tout ornement en orfèvrerie qui permettent de rejeter les identifications traditionnelles des portraits de Houston avec Isabelle de Savoie, comtesse du Bouchage, et sa fille, Marie de Batarnay, maréchale de Joyeuse, mais également de conforter celle de notre panneau. Le revers comporte en effet une annotation ancienne qui reconnait dans le modèle Louise de Montmorency, maréchale de Châtillon.
Fille aînée de Guillaume de Montmorency et d’Anne Pot, dame de la Rochepot, Louise fut la sœur aînée du connétable. En 1505, elle épousa Ferri de Mailly, seigneur de Conti, chambellan du roi et sénéchal d’Anjou, et fut nommée dame d’honneur de la reine Anne de Bretagne.
Le couple eut trois enfants, un fils Jean, tué en Italie en 1528, et deux filles, Louise entrée en religion et Madeleine, future dame de Roye, née quelques mois après que son père fût tué à Milan en 1511. En 1514, Louise contracta une seconde union avec Gaspard Ier de Coligny, seigneur de Châtillon et maréchal de France qui lui donna quatre fils, chaque naissance soigneusement fixée par la maréchale dans son Livre d’Heures conservé dans les collections royales des Pays-Bas : Pierre – mort jeune –, Odet, Gaspard, seigneur de Coligny, et François, seigneur d’Andelot.
De nouveau veuve en 1522, elle décida de ne plus se remarier et se consacra à ses enfants. Elle ne revint à la cour que sept ans plus tard, ayant confié l’éducation de ses fils à l’humaniste Nicolas Bérauld et comme dame d’honneur de Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre. Spirituelle, pieuse et cultivée, Louise était depuis longtemps très proche de la sœur du roi qui l’appelait dans ses lettres « ma bonne cousine et parfaite amie ». Lorsqu’en 1530, François Ier constitua une maison française pour sa seconde femme, Éléonore d’Autriche, il nomma la maréchale de Châtillon première dame d’honneur. Peu après, ses fils firent leur débuts à la cour, soutenus par leur oncle, le tout-puissant Anne de Montmorency.
La disgrâce du connétable en 1541 entraîna une mise à l’écart de sa famille, minorée par l’affection que le Dauphin, futur Henri II, portait à Montmorency et aux jeunes Coligny. Louise se retira à Châtillon-sur-Loing et plongea dans les lectures pieuses. Elle fut la première de sa famille à se convertir ouvertement à la Réforme. En 1547, sentant sa mort proche, elle refusa l’assistance d’un prêtre.
D’après les habits du modèle, notre portrait date de 1540 environ. Louise était alors veuve depuis dix-huit ans et approchait la cinquantaine, ce qui concorde parfaitement avec notre œuvre. Enfin, la mise du personnage sied remarquablement à une dame du rang de la maréchale. Il s’agirait alors de son unique portrait connu. De fait, son Livre d’heures ne comporte aucune représentation d’elle et son visage dans le vitrail de la Collégiale Saint-Martin à Montmorency – réalisés entre 1524 et 1545, les vitraux du cœur comportent les portraits des Montmorency et de leurs alliés – n’est qu’une restitution maladroite du XIXe siècle.
Nous remercions Alexandra Zvereva d'avoir attribué notre panneau au peintre Corneille de Lyon après examen direct de l'oeuvre et pour la rédaction de cette notice.
Post Lot Text
ATTRIBUTED TO CORNEILLE DE LA HAYE CALLED CORNEILLE DE LYON, PORTRAIT OF LOUISE DE MONTMORENCY, MARÉCHALE DE CHÂTILLON, OIL ON PANEL
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Ce lot sera présenté dans nos salons du 9 avenue Matignon à Paris, du 18 au 25 mai 2020.
This lot will be presented in our viewing room in 9 avenue Matignon in Paris from May 18 to May 25, 2020.