La forme du meuble est caractéristique de nombreuses autres commodes à la régence de Charles Cressent (à deux tiroirs), en particulier dans la découpe du tablier et du rebord inférieur du tiroir. Une commode comparable attribuée à Charles Cressent a été vendue chez Christie's à Monaco le 13 décembre 1998, lot 359. En outre, le placage de bois satiné à encadrements et réserves d‘amarante est celui de la quasi-totalité des commodes de Cressent, même si le dessin des réserves d’amarante du tiroir supérieur est fait spécifiquement pour les bronzes probablement réalisés par Mathieu Criard en volutes de rocailles. On comparera ces volutes à celles trouvées sur des commodes estampillées M Criard (Pradère, Les Ebénistes Français de Louis XIV à la Révolution, Paris, 1989, p.223-227) dont les éléments sont disposés dans un ordre différent.

La présence d’un filet double (ébène et buis) se retrouve sur quelques grands meubles du célèbre ébéniste datables des années 1750, comme les médailliers et le bureau plat du musée Gulbenkian, les armoires d‘angle du musée Getty ou le serre-papiers de la collection Wallace (Pradère, op. cit. cat. 38-39 p.263 ; cat.63 p.268 ; cat.98, p.226 ; cat. 78, p.271).

Plusieurs ornements de bronze sont quant à eux typiques de Charles Cressent, tels les sabots en griffes de lion trouvés sur presque toutes ses commodes avec la tige de bronze qui suit le contour intérieur du pied, les entrées de serrure au dragon trouvées sur les petits bureaux de Cressent (Pradère, op. cit p.252).

Ainsi, il est probable qu’il s’agisse ici d’un meuble de Charles Cressent terminé ou restauré par Criard afin que les réserves coïncident avec ses volutes. Cette intervention aurait pu être effectuée à la demande d’un marchand mercier qui aurait jugé les bronzes de Charles Cressent d’un goût révolu et l’aurait fait orner de bronzes rocailles plus en vogue dans les années 1750. Nous connaissons en effet des meubles ayant subi ce type de mise à jour rocaille, tels que les commodes illustrées dans l'ouvrage d'Alexandre Pradère, op. cit. (cat. 103-104) ou encore la commode de la collection Ortiz (cat.112). Une autre hypothèse pourrait encore être avancée : un meuble inachevé aurait été vendu comme tel lors de la vente de son atelier en 1757; en effet, dans la dernière partie du catalogue, il annonçe : « N°80 : il se trouve encore quantité de tableaux et quantité d’ouvrages d’ébénisterie que ledit sieur Cressent n’a pas jugé à propos de mettre dans le catalogue, qui sont l’usage de sa profession, qui seront vendus ». Il est probable que ces meubles n’étaient pas terminés, sans marbres et avec décors de bronze incomplets ou simplement absent...

Nous remercions M. Alexandre Pradère pour la rédaction de cette notice.