Ce somptueux bureau illustre le talent et la créativité d’un des plus grands ébénistes parisiens du XVIIIe siècle : Jean-François Oeben.
Nommé ébéniste du Roi en 1754, Oeben passe pour être l’inventeur du bureau à cylindre, après avoir conçu le plus célèbre d’entre tous, celui du cabinet intérieur du Roi Louis XV, toujours conservé au château de Versailles (inv. Vmb 14454;V3750).
Ce nouveau meuble convenait parfaitement aux usage de l’époque, permettant de cacher sans les ranger dossiers, papiers et billets. Aussi une série limitée de ces bureaux est produite entre 1754 et 1763. Décliné en plusieurs tailles, le modèle est aisément reconnaissable : les côtés sont élégamment galbés, tout comme la ceinture, le cylindre est composé de lamelles souples, mécanisme largement exploité par Oeben, et une marqueterie sobre de bois de rose et d’amarante met en valeur les lignes harmonieuses de l’ensemble.
Dans l'inventaire après décès de Jean-François Oeben, publié par Guiffrey dans Nouvelles archives de l'art français, 1899 pp. 312-333, deux bureaux à cylindre de ce type sont décrits: un bureau de 5 pieds de long [162 cm.], 34 pouces de large [91 cm.], 29 pouces de haut [78 cm.], [….] quatre tiroirs et un corps de bureau, le tout orné de bronze unis, surmonté d'un carderon au-dessus du bureau, dont la partie du milieu se tire à coulisse, au-dessus duquel est une première moulure de 3/4 de pouces de largeur, la seconde moulure faisant le tour du gradin de 5/4 de pouces de largeur, une troisième moulure au-dessus qui fait le pourtour dud. gradin de 6 lignes de large, plus un balustre à oves de bronze évidé faisant le pourtour dud. gradin par les côtés et par derrière seulement de 2,5 pouces de large, quatre pieds de bronze pour chausser les pieds dud. bureau, de 5 pouces de haut […] tout le dit bureau plaqué en bois de rose et frises d'amarante, prisé, en l'état ou se trouve, la somme de 800 livres.
Le modèle eut vraisemblablement du succès et l'atelier d'Oeben en fabriqua plusieurs. Certains ont réapparu depuis en vente publique, venant toujours de collectionneurs confirmés :
- Ancienne collection Baroness Burton, vente Christie's, Londres, le 24 novembre 1950, lot 281 ; puis vente Christie's, Londres, le 22 avril 1982, lot 77.
- North Mymms Park, Vente Christie's Londres, le 24 septembre 1979, lot 231.
- Collection de M. Jean Petin, vente Sotheby's Monaco, le 13 février 1983, lot 510; puis Collection de Mrs Barbara Piasecka Johnson, vente Sotheby's New York, le 30 octobre 1986, lot 55.
- Vente Sotheby's Monaco, le 1 juillet 1995, lot 207.
Oeben à en croire Pierre Kjellberg réalisa un certain nombre de meubles sans les estampiller, n’obtenant la maîtrise que deux ans avant sa mort, et protégé par son statut d’ébéniste du Roi. Sa renommée était depuis longtemps établie, et lui valut, après les commandes de la marquise de Pompadour et du Garde-Meuble de la Couronne, les faveurs du duc d’Aumont, du duc de Choiseul ou encore de la duchesse de Gramont.
Notre bureau appartint à l’une des grandes collections du XIXe siècle : celle d’Alfred Sommier. Resté célèbre notamment pour avoir acheté et restauré le château de Vaux-le-Vicomte, Sommier y réside chaque année de 1877 jusqu’à sa mort en 1908, les mois d’été et d’automne. Le reste de l’année, Alfred Sommier le passe à Paris, dans l’hôtel particulier du 57 rue de Ponthieu, sur les Champs-Elysées.
Alfred Sommier est resté dans la mémoire collective comme l’un des grands amateurs de mobilier du XVIIIe siècle. Le chroniqueur Maurice Baring dans The Puppet Show of Memory rapportait « que dans chaque pièce où un beau meuble était nécessaire, il s’y trouvait, et de premier ordre ». Certaines de ses acquisitions furent effectuées chez le marchand Miallet, rue Lepelletier, où Alfred Sommier acquit en 1872 le très beau lit en chaire à prêcher réapparu dernièrement lors de la vente de la collection Lagerfeld (Vente Christie’s, Monaco, 28 et avril 2000, lot 59).
Post Lot Text
A LATE LOUIS XV ORMOLU-MOUNTED TULIPWOOD AND AMARANTH CYLINDER DESK BY JEAN-FRANCOIS OEBEN, CIRCA 1760