Cette pendule monumentale représentant Uranie fut probablement exécutée par le bronzier Jean-François Denière (1774-1866) certainement d'après des dessins de Charles Percier et Pierre-François-Léonard Fontaine. Une aquarelle pour une pendule égyptienne au vocabulaire ornemental étroitement lié figurait sur la planche VIII de leur fameux recueil de modèles gravés Recueils de Décorations Intérieures, publié en 1801. Cette aquarelle est notamment illustrée et commentée dans le catalogue de l’exposition Egyptomania organisée par le Louvre entre octobre 1994 et janvier 1995 (ill. no. 168, pp. 287-288). Le dessin de Percier et Fontaine était accompagné du texte suivant : Pendule à la manière égyptienne, exécutée pour l'Espagne. La satiété produite par le grands nombre d'ouvrages de ce genre, et le désire d'avoir un meuble qui ne ressemblât pas à tous les autres, a fait demander que celui-ci fût dans le goût égyptien sans chercher à dénatturer la forme nécessaire au mécanisme des pendules ordinaire. On s'est donc borné à revêtir les faces et les contours de signes et d'ornemens tirés des ouvrages égyptiens... Le dessin de Percier et Fontaine présente notamment au centre une offrande sacrificielle de deux prêtresses égyptiennes à Jupiter-Amon. Il s’agit d’un motif que nous retrouvons sur notre présente pendule et qui indiquerait de ce fait l'implication de Percier et Fontaine dans la conception de celle-ci.
Plusieurs pendules de ce modèle furent fournies par Denière notamment un exemplaire pour le château de Fontainebleau (inv. F 88 C) ainsi qu’une seconde pour le Grand Trianon de Versailles conçue en 1811 par l’horloger François Bailly pour le salon des Princes dans l’appartement de l’Empereur (inv.T.441.C). Carlos IV, roi d'Espagne, admirait également ce modèle d’Uranie. Il possédait en effet deux variantes, dont l'une en biscuit de Sèvres. Nous retrouvons en effet ce même socle dépeignant l’allégorie du Nil imaginée par le sculpteur Taunay en 1806 (J. Ramon Colon de Carvajal, Catalogo de Relojes del Patrimonio Nacional, Madrid, 1987, pp. 165 et 283.). Une autre pendule se trouve aujourd’hui au Musée national de Bavière, tandis qu'un dernier exemplaire est illustré dans P. Kjellberg, Encyclopédie de La Pendule Française, Paris, 1997, p. 397, fig. e.
Parmi les pendules comparables présentées en ventes publiques citons :
- Une pendule provenant de la collection Wildenstein présentée à la vente chez Christie’s Londres le 14-15 décembre 2005, lot 304, figurant un cadran parfaitement similaire ainsi qu’un mouvement également signé par Rieussec.
- Plus récemment une version patinée sur un marbre griotte fut vendue chez Christie’s à New York le 28 mars 2017, lot 218.
Jean-François Denière est l’un des bronziers les plus illustres de la première moitié du XIXe siècle. Associé à François Mathelin en 1797, ils fondèrent ensemble une entreprise prospère qui comptait plus de deux cents ouvriers sous l’Empire, chiffre qui ne cessera de croître par la suite jusqu’à atteindre les quatre cents sous le règne de Louis-Philippe. Fournisseur de la duchesse de Berry mais également du souverain Louis-Philippe, il travailla pour de nombreux notables étrangers tels que le duc d’Hamilton, Ferdinand VII d’Espagne, Guillaume II de Hesse, Guillaume II de Hollande ainsi que le tsar Alexandre II de Russie. C’est entre 1817 et 1818 qu’il fournira notamment une grande partie de l’œuvre en bronze destinée à la décoration de la Maison-Blanche de Washington.
Il se fit plusieurs fois remarquer lors de ces fameuses Expositions des Produits de l’Industrie Français. En effet, en 1820 il présenta les montures du berceau du duc de Bordeaux avec lesquelles il remporta la médaille d’argent. Trois ans plus tard c’est avec une fabuleuse paire de tables qui fit partie de la collection du duc d’Hamilton et aujourd’hui conservées à la Art Gallery of Ontario de Toronto, qu’il remporta la médaille d’or (inv. 2806). Enfin, c’est en 1827, à l’apogée de sa carrière, qu’il fut honoré par la croix de chevalier de la Légion d’honneur.
Jean-François Denière sut parfaitement s’adapter aux variations du goût et à la multitude des genres caractérisant ce XIXe siècle. Grand représentant du style retour d’Egypte, au même titre que son contemporain Pierre-Philippe Thomire (1751-1843) et sous l’influence du baron Vivant-Denon, il fut également le créateur d’œuvres de style Renaissance et rocaille, puisant son inspiration dans le grand répertoire des siècles passés.