Au milieu du XVIe siècle, plusieurs tentures de l’Histoire de Romulus et Rémus furent tissées par des ateliers flamands et relataient les épisodes marquants de l’accession au trône du premier roi de Rome. Les souverains de la Renaissance voyaient en effet un moyen d’identification, voire un exemple de vertu dans la figure de Romulus. La popularité de ce sujet s’expliquait aussi par un regain d’intérêt pour les textes des auteurs de l’Antiquité, comme Tite-Live.
Notre tapisserie fut réalisée à Bruxelles dans l’atelier de Jacques Ier Geubels, mentionné en 1585 et qui mourut avant 1605. L’entreprise fut reprise par sa veuve Catherine van den Eynde, qui continua d’apposer le monogramme de son mari (GA), et décéda avant 1629. L’atelier fut l’un des plus importants à Bruxelles suite à l’obtention d’un privilège en 1613. Notre tapisserie est un bel exemple parmi les nombreuses rééditions de cette tenture, qui atteste encore de son succès au début du XVIIe siècle. Elle représente un épisode crucial de l’Histoire de Romulus et Rémus, d’après Tite-Live, livre I, 6, L’Histoire de Rome depuis sa fondation (Ab Urbe Condita). Après l’enlèvement de Rémus par Amulius, usurpateur du trône d’Albe, Romulus parvient à tuer ce dernier et présente sa tête à son grand-père qui remonte ainsi sur le trône. Cette scène n’est cependant pas mentionnée dans les sources classiques. La première interprétation connue de ce thème est illustrée par le peintre Bernard Van Orley (vers 1488-1545) sur un petit patron daté de 1524, faisant partie d’une série de dessins portant son monogramme (Staatliche Graphische Sammlung, Munich, inv. 979).
Une version plus ancienne vendue chez Christie’s New-York le 22 novembre 1980, lot 276, illustre parfaitement l’esthétique de la Renaissance, avec des personnages vêtus à l’Antique inscrits dans une architecture classique. Elle faisait partie d’une série réalisée par Guillaume de Pannemaker, achetée par Philippe II en 1550. Une autre tapisserie conservée au Kunsthistorisches Museum de Vienne, tissée vers 1560 par François Geubels, probablement le père de Jacques Ier Geubels (G. Delmarcel, La Tapisserie flamande du XVe au XVIIIe siècle, Belgique, 1999, p. 159, fig. 5.5.), présente une composition très proche de notre tapisserie. La bordure arbore une ornementation de vases fleuris posés entre des cariatides sur les bords latéraux avec un animal au centre, et surmontés de proverbes latins. Elle est ornée en bas d’un médaillon illustrant un des douze travaux d’Hercule, thème représenté également sur la bordure de notre tapisserie sous la forme de deux scénettes identiques en haut et en bas. Enfin, une tapisserie conservée à San Francisco réalisée vers 1625 par Jacques Geubels II (1599- vers 1630), fils de Jacques Ier, en collaboration avec Jan Raes (vers 1545), illustre le même thème de manière quasiment identique (Fine Arts Museum of San Francisco, inv. 3755). Les personnages sont répartis en frise sur une perspective dégagée ouvrant sur un paysage montagneux et une bataille. La bordure est quant à elle richement décorée de guirlandes de fruits et légumes.