L’art du travail de l’ivoire est une tradition qui a perduré et dont l’Antiquité, l’Empire Byzantin et le Moyen Âge recèlent d’exemples fastueux. Les maîtres tourneurs sur ivoire apparaissent quant à eux en Europe à la fin du XVIe siècle, probablement suite au réapprovisionnement en ivoire grâce à l’amélioration des voies maritimes. Le milanais Giovanni Ambrogio Maggiore (1550-1617) est considéré comme l’inventeur de cette technique qui fut rapidement diffusée en Europe par ses élèves. On appelle ainsi tour une machine à roue mise en mouvement permettant de travailler une matière pouvant être du bois, de l’ivoire, de la corne, etc. Cet art du tour fut ensuite porté à son plus haut degré de perfection au XVIIe siècle en Allemagne. Les maîtres tourneurs sur ivoire étaient très recherchés et travaillaient essentiellement pour les cours royales. Ainsi, Georg Wecker, Egidius Lobenigk et Jacob Zeller se succédèrent à la cour de Saxe de la fin du XVIe siècle au début du XVIIe siècle. Habiles artisans dotés d’un esprit scientifique, ils élaboraient eux-mêmes les outils nécessaires au tournage. Chaque réalisation en ivoire exige en effet l’emploi d’une multitude d’outils spéciaux et adaptés ainsi que des connaissances pointues en mathématiques afin d’obtenir les formes désirées sophistiquées et complexes, d’une grande perfection géométrique.
L’art du tour était également un divertissement princier et faisait partie de l’éducation de la haute société. Le prince électeur Auguste 1er de Saxe (1526-1586) pratiquait cet art prestigieux et initia également son fils. En France, cet art relève souvent de la tabletterie comme l’indique l’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (Neuchâtel, 1765, p. 484 pour la définition du ‘Tourneur’). Louis XVI (1754-1793) et ses frères, les comtes de Provence (1755-1824) et d’Artois (1757-1836), s’étaient exercés dans cette discipline. Des ouvrages consacrés apparaissent également, témoignant de l’engouement extraordinaire pour cet art à la fois mécanique et mathématique. Nous pouvons citer celui du Père Charles Plumier (1646-1701), L’Art de tourner, ou de faire en perfection toutes sortes d’ouvrages au tour (première publication en 1701) ou celui de Johann Martin Teuber, Vollständiger Unterricht Von Der gemeinen und höheren Dreh-Kunst (Enseignement complet de l’art du tour, 1740) ou encore le Manuel du tourneur de Louis-Éloi Bergeron recorrigé et augmenté en 1816. Ces objets prestigieux en ivoire tourné étaient conservés dans des cabinets de curiosités.
Le cabinet de curiosités, appelé Studiolo en italien, Kunstkammer (chambre des arts) ou Wunderkammer (chambre des merveilles) en allemand, apparaît à la Renaissance. Le terme de cabinet désigne à la fois une pièce spécialement aménagée et un meuble précieux où étaient présentés toutes sortes d’objets insolites. Le cabinet de curiosités est conçu comme un microcosme du monde, une vision de la Création en abrégé. La classification d’une accumulation d’objets est d’abord personnelle, chaque curieux organisant son propre théâtre du monde. Les curiosités sont choisies pour leur aspect remarquable et leur rareté, elles peuvent être d’origine naturelle ou artificielle, c’est-à-dire créées par la main de l’homme. Parmi les curiosités, les ouvrages en ivoire tourné étaient particulièrement recherchés. Les princes et les puissants sont les premiers à concevoir ces lieux fabuleux et intimes, accessibles à quelques privilégiés. Les cabinets de curiosités les plus célèbres sont ceux de François Ier de Médicis (1541-1587) à Florence, de Rodolphe II (1552-1612) à Vienne ou encore d’Auguste II Le Fort (1670-1733) à Dresde. Cependant, le cabinet de curiosités n’est pas l’apanage des princes et l’on retrouve ce même désir d’accumulation de merveilles chez les apothicaires, les nobles, les ecclésiastiques, les médecins, les voyageurs ou encore les commerçants, chacun organisant sa collection selon ses goûts personnels et ses moyens financiers. Le cabinet de curiosités de l’apothicaire napolitain Ferrante Imperato (1550-1625) en est un fameux exemple. Celui de Nicolas Grollier de Servière (1596-1689) est certainement un des plus intéressants pour notre sujet. Fils d’un receveur des finances, il fut ingénieur et inventeur, et créa un cabinet autour des techniques dont l’art du tour qu’il exerçait lui-même et dont il fit publier un Recueil d’ouvrages curieux (…) en 1719, illustré de nombreuses planches gravées. Il reçut dans son cabinet d’importantes personnalités dont Louis XIV. Au siècle des Lumières, le cabinet de curiosités devient plus normé, avec une visée davantage scientifique, chaque salle ayant sa propre spécialité. Ainsi, la Voûte verte à Dresde présente une salle dédiée exclusivement aux objets en ivoire, ouverte au public dès 1729. La classification et l’ordonnancement méthodique des salles de la Voûte verte en font un précurseur de nos musées actuels.
Le XVIIIe siècle voit donc cet art du tournage perdurer avant de disparaître au cours du XIXe siècle à cause du développement des procédés industriels, marquant l’arrêt de la grande tradition des maîtres tourneurs.
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Coupe couverte hexagonale sur piedALLEMAGNE DU SUD, XVIIe SIÈCLEEstimate: EUR 25,000 - 35,000
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