Ce tableau longtemps considéré comme une œuvre de la Renaissance nordique est en réalité une œuvre d’un des plus fascinants faussaires de la première moitié du XXe siècle, Jef Vanderveken (1872-1964).
Vanderveken est resté dans les mémoires de certains connaisseurs pour être le brillant artiste ayant produit l’un des panneaux du retable de l’Agneau mystique (les Juges Intègres) commandé par la fabrique de l’église de Gand après son vol, survenu en 1934. Témoignage de son talent de peintre, ce volet de retable n’est pas le seul vestige de la maîtrise picturale de cet artiste du faux. D’abord peintre décorateur, Vanderveken se serait lancé dans la fabrication – soutenue – de faux après avoir vu ressurgir certaines de ses créations comme des originaux de la Renaissance sur le marché de l’art. Ouvrant une galerie de peintures à Bruxelles, il s’associera ensuite à un homme d’affaires, Émile Renders (1872-1956) qui lui fournit quantité de panneaux anciens de faible qualité sur lesquels Vanderveken repeignait abondamment, préservant ainsi supports et craquelures anciennes.
Au début du siècle, certaines de ses "restaurations, créations" se glissent dans de prestigieuses collections européennes tandis que d’autres s’exposent dans des institutions de renom aux côtés de chefs d’œuvres de la Renaissance, comme lors de l’exposition Flemish and Belgian Art, 1300-1900 (Burlington House, Londres). Après la Première Guerre mondiale, il délaisse graduellement la contrefaçon pour se consacrer à la restauration d’œuvres d’arts et se mettre au service des musées. Sa connaissance avisée des techniques picturales fera même de lui un précieux témoin en 1946 lors du procès d’un autre faussaire, Hans van Meegeren (1889-1947), auteur des fausses scènes religieuses de Vermeer (1632-1675).
Jean-Luc Pypaert, qui a travaillé sur le corpus de faux de Vanderveken, recense une centaine d’œuvres de sa création, dont la nôtre qu'il date de sa production d'avant guerre et de laquelle il rapproche un dessin préparatoire de sa main.