Avec Black Rhino, nature morte photographique, Irving Penn fait dialoguer la mort et la vie. Cette photographie montre le crâne allongé d’un rhinocéros, décharné, entouré d’une désolation où même le désert n’est plus. L’expression formelle appelle immédiatement l’iconographie des Vanités et par conséquent, leur allégorie sur le caractère éphémère de l’existence. Ontologiquement lié à l’arrêt du mouvement, à l’instant, le photographique se confronte dans Black Rhino à la temporalité longue et immobile de la mort. Ainsi, le temps s’arrête, pendant longtemps, comme des fleurs qui faneraient indéfiniment.
Le virement au sélénium utilisé par l’artiste, en améliorant la conservation de l’œuvre, accentue la solennité de l’image en la privant de l’épreuve du temps. La photographie dépasse, dans cette œuvre, son rôle a priori restrictif d’une expression du visible. Il y a la mort, familière et mystérieuse. Mais de manière plus onirique, le crâne dialogue avec un nombre pluriel de références. Le soin accordé au traitement des contrastes, des densités, des nuances de gris offre une appréhension singulière de la texture des os rappelant les gravures animalières du XVIIe siècle ou les présentations des musées d’histoire naturelle. La composition, dépouillée et centrée, s’inscrit dans la formation de peintre de l’artiste. Le travail du photographe ne cachant pas les imperfections du modelé confère cette matérialité particulière et délicate propre à la vitalité, comme on peut le voir dans ses portraits.
With Black Rhino, a still life in photographic form, Irving Penn explores life and death. The image depicts the elongated skull of a rhinoceros, gaunt, surrounded by a desolation where even the desert is no more. The formal style instantly calls to mind the iconography of Vanitas paintings and consequently their allegory of the transient nature of existence. In Black Rhino, photography is ontologically connected to the motionlessness, to the instant, echoing the long and immobile temporality of death. Thus, time stands still for an extended period of time, like flowers that wither indefinitely.
By improving the conservation of the work, the selenium coating used by the artist highlights the solemnity of the image, shielding it from the test of time. In this work, photography goes beyond its apparently restrictive role as an expression of what is visible. There is death, familiar and mysterious. But in a more dreamlike way, the skull converses with multiple references. The care taken in handling contrasts, densities and shades of grey offers a singular perception of the bone texture, reminiscent of the animal engravings of the 17th century or the exhibits in natural history museums. The sparse and centred composition is faithful to the artist’s background as a painter. The photographer’s work does not hide the imperfections of the formation, which confers to the image that special, delicate tangibility peculiar to vitality, as can be seen in his portraits.