Dans sa proposition au Guggenheim en 1954, Robert Frank écrit : « La photographie de l’Amérique est une commande importante – lue au pied de la lettre, la phrase serait absurde. » . Il finira par réaliser 28 000 négatifs et n’en sélectionnera que 83 pour The Americans, l’un des livres culte de la photographie du XXe siècle. La structure, la densité, le mouvement des images, mais aussi l’appréhension subversive des flous et des contrastes sont autant de libertés prises par l’artiste qui redéfinissent les contours de la photographie.
Dans The Americans, plusieurs motifs comme la voiture, le chapeau ou le drapeau, se répètent pour former un chapitrage. Political Rally,Chicago se révèle être une image clef du livre car elle conclut avec dramaturgie le motif des drapeaux. On ne distinguera plus qu’une seule autre image d’un drapeau en chignon. Sans visage ou du moins coupé, il reste la musique. Le bruit sourd et long des cuivres résonne. Robert Frank est un photographe des ambiguïtés. Est-ce le souffle des revendications ou des célébrations ? Entre le drapeau des Etats-Unis et le second – peut-être celui de Chicago – lequel choisir ? La main du trompettiste joue et celle du photographe appuie sur le déclencheur. Une autre main, celle de Jack Kerouac, écrira une préface élogieuse de TheAmericans qu’il termine ainsi :
« Robert Frank, Suisse, discret, sympathique, avec son petit appareil photo qu’il lève et déclenche d’une seule main, a aspiré sur la pellicule un triste poème de l’Amérique, prenant rang parmi les poètes tragiques du monde. A Robert Frank, je donne maintenant ce message : Tu as des yeux. »
In his submission to the Guggenheim in 1954, Robert Frank wrote: “The photographing of America is a tall order – read at all literally, the phrase would be an absurdity.” He ended up producing 28,000 negatives, selecting just 83 for The Americans, one of the most iconic books in 20th century photography. The structure, density and movement of the pictures, as well as the subversive use of blur and contrast, showcase the many liberties the artist took, which redefined the codes of photography.
The Americans features several recurring themes such as cars, hats, and flags, which give a structure to the book. Political Rally,Chicago proves to be a key picture in the book, as it brings the theme of flags to a dramatic point. After this, there is only one, of a bunting flag. With all faces obscured or cropped out, only the music remains. The long, low sound of the brass permeates the picture. Robert Frank is a photographer of ambiguity. Is this a sign of protest, or celebration? Between the flag of the United States and the second, barely discernible one – perhaps that of Chicago – which should we choose? While the musician’s fingers play, the photographer’s finger presses the shutter. Another hand, Jack Kerouac’s, wrote a eulogistic preface to The Americans, which he closed with these words:
“Robert Frank, Swiss, unobtrusive, nice, with that little camera that he raises and snaps with one hand he sucked a sad poem right out of America onto film, taking rank among the tragic poets of the world. To Robert Frank, I now give this message: You got eyes.”