Samedi
(Ma lettre est illustrée, n’ayant pu être affranchie.)
Mon cher Alfred,
Je serai demain chez toi à midi précis pour prendre une copie de notre Loys, paroles, musique et accompagnement. Il la faut !!! Ainsi aies la, dusses-tu pour cela commettre de grands crimes. Je t’expliquerai ultérieurement (c’est-à-dire demain) dans quel but.
Réunir, comme les Delascum quarante femmes plus belles que les autres, - fussent-elles nues ! y joindre des rafraîchissements, des grandes fleurs dans des jardinières et un Musée secret comme celui de Naples, - ce sont là des folies que je te pardonnerai si tu les commets, puisqu’elle auront pour but de me recevoir avec tous les honneurs dus à mon rang.
Tu peux cependant remplacer provisoirement ces magnificences par une canette de bière et deux sous de tabac [dessin d'un pichet et d'un pot de tabac].
Je me borne quand à moi, à remplacer pour ta main un étau solide ; c’est-à-dire que je te la serre beaucoup et suis ton tout dévoué Théodore. Surtout aies Loys !
P.S. Heureux homme que tu es ! A l’heure qu’il est tu reçois pour trois sous de beau style !
[Portrait d’un homme couché lisant et fumant la pipe, signé « Th. invenit, delineavit et sculpsit »]
Je t’en prie, que Loys soit copié à mardi ! C’est très important. Puisque j’ai commencé à dessiner ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps, je vais faire mon buste.
[autoportrait-charge, légendé « Theodoro » en grec sur le piédouche, avec couronne de lauriers, lyre et foule s’agenouillant]