L’éducation classique d’Hubert Robert (1733-1808) au prestigieux établissement jésuite du Collège de Navarre, a fait de lui un latiniste averti, tout en inspirant sa passion pour le monde antique dès son plus jeune âge. Cependant, c’est un voyage à Rome en 1754, dans l’entourage du nouvel ambassadeur de France auprès du Saint-Siège – le comte de Stainville, futur duc de Choiseul (1719-1785) – qui l’a familiarisé avec les monuments délabrés du passé. Ceux-ci allaient devenir sa principale préoccupation artistique toute sa vie durant, et lui valurent le sobriquet de 'Robert des Ruine'’. Resté à Rome pendant onze ans, il rencontra, grâce à ses liens officieux avec l’Académie française, d’importants collectionneurs et artistes, dont Fragonard (1732-1806), le grand graveur italien Piranesi (1720-1778) et le peintre de ruines Panini (1691-1765) qui influencèrent profondément son œuvre. En 1760, Hubert Robert est présenté à Jean-Claude Richard (1727-1791), abbé de Saint-Non, un antiquaire qui lui commande, ainsi qu’à Fragonard, des esquisses des antiquités grecques, romaines et égyptiennes que Saint-Non reproduisit plus tard dans ses luxueux guides des villes italiennes et des œuvres d’art qui s’y trouvent.
Bien que Robert, comme pratiquement tous les Européens, n’ait jamais été en Égypte, Rome comptait de nombreux monuments égyptiens qui en avaient été rapportés, ainsi que des structures égyptisantes qui avaient été érigées durant les dernières années de l’Empire romain, largement disponibles pour ses études. Plusieurs vues romaines de Robert datant de la fin des années 1750 sont agrémentés de motifs égyptiens – des sphinx, des fragments de sculpture pharaoniques, des obélisques et des pyramides qui appartenaient au répertoire standard de l’égyptomanie en Europe. Notre tableau est une variante de la composition de Robert de 1798, Jeunes filles dansant autour d’un obélisque du musée des beaux-arts de Montréal (no. inv. 1964.1464). Dans les deux œuvres, l’artiste juxtapose la majesté des ruines antiques à des paysages animés. Vêtus à la mode de l’époque de Robert, les jeunes danseurs sont pris dans la musique, inconscients du temps qui passe. A côté d’eux, l’obélisque brisée et le bassin de la fontaine racontent une autre histoire : les grands empires ne sont pas éternels, et la vie terrestre est éphémère. Ce contraste confère à l’œuvre de Robert la profondeur philosophique que Diderot (1713-1784) qualifiait de 'poétique des ruines'.