Loué de tous lors de sa présentation officielle à la cour de Versailles en janvier 1702, le portrait de Louis XIV (1638-1715) en grand costume royal (musée du Louvre, Paris, no. inv. 7492), et non en "costume de sacre" comme on le dénomme souvent, que le roi Soleil commanda à Hyacinthe Rigaud (1659-1743), résume à lui seul, dans la mémoire collective, le Grand Siècle et la monarchie absolue d'Ancien Régime.
L’honneur était conséquent pour ce peintre catalan, sujet du royaume d’Espagne à sa naissance, qui devait atteindre une nouvelle fois, la plus haute distinction offerte par le monarque absolu, celui de le côtoyer et de le faire poser. Le peintre avait quitté sa ville natale de Perpignan et s’était installé à Paris après un bref passage à Lyon. Son talent de portraitiste lui avait donné accès à de belles commandes dans chacune des villes où il avait séjournées, jusqu’à atteindre à Paris une clientèle composée de l’élite européenne qui venait en nombre poser sous son pinceau. Du portrait de Frédéric IV de Danemark (1671-1730), au doge de Gênes, Gian Francesco II Brignole Sale (1695-1760), sans oublier la galerie de portraits des artistes du tournant du XVIIIe siècle (Desjardins, Le Brun, Bourdon, etc.), des figures majeures du règne de Louis XIV, du Régent Philippe d'Orléans (1674-1723) et de Louis XV (1710-1774) offrirent leurs traits à Rigaud.
Cette popularité orienta le choix de Louis XIV vers ce peintre déjà habitué aux nobles modèles à qui il venait de demander un portrait de son petit-fils, Philippe d'Anjou (1683-1746), appelé sur le trône d'Espagne.
Le portrait royal que Rigaud livra au début du XVIIIe siècle éclipse toutes les représentations antérieures du souverain, son effigie étant la plus reproduite. L’âge avancé du modèle (soixante-trois ans) disparait devant la pompe de la composition. Le vieillard, puissamment ancré sur ses jambes vigoureuses, soutient son manteau fleurdelisé pendant que les regalia, symboles séculiers du pouvoir, composent une nature morte que le Roi domine. L’épée dite de Charlemagne, nommée "Joyeuse" (musée du Louvre, Paris) apparaît sous son manteau, le sceptre de son grand-père Henri IV (1553-1610) sert au modèle de canne, et la main de justice et la couronne royale sont posées sur le lourd coussin de velours à gauche de la composition. L’ordre du Saint-Esprit, fondé sous Henri III (1551-1589) – et le plus prestigieux de l’Ancien Régime – est soutenu par le lourd collier doré cintrant le col en dentelle du monarque. La composition en hauteur offre quant à elle une estrade au Roi, acteur unique du pouvoir pour encore plus d’une décennie.
Le succès du tableau fut tel que parallèlement à l'atelier auquel les livres de comptes de Rigaud attribuent pas moins de cinquante-six répliques entre 1701 et 1721, des artistes tels que François Albert Stiémart (1680-1740) furent commissionnés par l'administration des Bâtiments du roi pour répondre aux besoins en copies des différents corps constitués du royaume – parlements, cours souveraines, Académies, collèges, universités, municipalités, etc. –, ou des cours étrangères.
Pour les meilleures versions conservées, à l'instar de cette très qualitative réduction qui présente de menues variantes par rapport à l'original du Louvre, il est souvent hasardeux de trancher entre réplique d'un collaborateur et travail d'un copiste du roi.